Patrimoine & Expertise
Famille recomposée : concilier protection du couple et gratification des enfants
Organiser la transmission de son patrimoine au sein d’une famille recomposée n’est pas toujours chose facile. Comment protéger à la fois votre compagnon/votre compagne, vos enfants communs ainsi que les enfants nés d’une précédente relation ? Penchons-nous ensemble sur les solutions et sur les précautions à prendre pour concilier au mieux les intérêts de tous les membres de la famille.
Publié le 17 juillet 2023
Quelle union choisir ?
Plusieurs types d’unions existent : le concubinage (ou union libre), le pacs et le mariage. Ils n’offrent pas tous les mêmes droits ni les mêmes marges de manœuvre :
- Si vous vivez en union libre, c’est-à-dire sans être marié ou pacsé, votre concubin n’est pas votre héritier. À votre décès, même si vous lui léguez des biens par testament, la facture sera élevée puisqu’il sera taxé sur la part reçue à hauteur de 60 % !
- Lorsque vous avez conclu un pacs (pacte civil de solidarité), là aussi votre partenaire n’est pas votre héritier. Il pourra recevoir une partie de votre patrimoine sans fiscalité uniquement si vous le prévoyez par testament.
- Le mariage, quant à lui, donne au conjoint survivant une plus grande protection. À votre décès, celui-ci conserve en principe la moitié des biens communs (dans le cas d’un mariage sous régime de communauté légale). L’autre moitié fait partie de votre succession et, grâce au mariage, il a automatiquement la qualité d’héritier. En présence d’enfants nés d’une précédente union, un quart revient à votre conjoint en pleine propriété, sans fiscalité. [voir encadré ci-dessous].
Focus sur l’aménagement du régime matrimonial
Il s’agit de l’ensemble des règles qui organisent les rapports juridiques et patrimoniaux entre les époux.
Faites du “sur-mesure” pour adapter au mieux le régime matrimonial à votre situation familiale ! En prévoyant une clause de préciput par exemple, vous choisissez quels biens seront automatiquement attribués au conjoint survivant avant tout partage de communauté et de succession. Notez que les enfants non-communs peuvent exercer une action en retranchement si les avantages matrimoniaux consentis au conjoint survivant empiètent sur la part minimum et obligatoire du patrimoine du défunt que la loi assure aux héritiers réservataires/enfants (ce que l’on appelle la réserve héréditaire). Le surplus sera alors “retranché” et reviendrait aux enfants.
Soyez bien conscient que le constat est le même quelle que soit l’union (et même en cas de mariage) : en présence d’enfants nés d’une précédente relation, si rien n’est anticipé, le nouveau compagnon/nouvelle compagne n’est protégé(e) que partiellement, voire pas du tout.
Quels outils pour étendre la protection du compagnon/de la compagne survivant(e) après votre décès ?
Le testament vous permettra d’accroître les droits de votre compagnon/votre compagne, tout en assurant une transmission à vos enfants. Afin de maintenir le cadre de vie de votre partenaire survivant, léguez-lui à la fois des biens en pleine propriété comme la voiture ou des meubles par exemple, et également des biens en usufruit comme la résidence principale ou des biens locatifs.
La transmission en démembrement a le double avantage de protéger votre partenaire (usufruitier) tout en assurant la transmission à vos enfants (nus-propriétaires), qui recevront la pleine propriété au décès de celui-ci, sans fiscalité. C’est aussi fiscalement avantageux car les droits de succession dus par les enfants sont calculés sur la valeur de la nue-propriété uniquement (plus faible que la valeur de la pleine propriété).
Point d’attention : bien que le testament soit indispensable pour transmettre à votre partenaire de pacs ou à votre concubin, il ne doit pas porter atteinte à la réserve héréditaire des enfants (la part minimale d’héritage à laquelle ils ont droit). Vous pouvez donc transmettre à votre compagnon/votre compagne en pleine propriété uniquement dans la limite de la part libre, appelée quotité disponible.
Si vous êtes mariés, la donation au dernier vivant vous permet d’aller encore plus loin pour protéger votre conjoint. Offrez-lui la possibilité de choisir entre plusieurs options : soit un quart de vos biens en pleine propriété et le reste en usufruit ; soit la totalité en usufruit ; soit uniquement la quotité disponible en pleine propriété.
Comment gratifier dès maintenant vos propres enfants ?
La donation vous permet de gratifier vos enfants immédiatement. Vous pouvez transmettre sans aucune fiscalité jusqu’à 100 000 € par enfant. Les biens peuvent être donnés en pleine propriété mais aussi en nue-propriété (en vous réservant l’usufruit). La donation démembrée vous permet ainsi de transmettre tout en continuant à utiliser et percevoir les revenus du bien donné.
Bon à savoir
Pour protéger votre conjoint survivant, prévoyez dans l’acte de donation un usufruit successif à son profit : il pourra continuer d’utiliser le bien et vos enfants récupéreront la pleine propriété plus tard, à son décès.
Par une donation graduelle également, vous pouvez donner (ou léguer) un bien à votre moitié, avec l’obligation pour lui de le conserver jusqu’à son décès, puis le bien sera automatiquement transmis à vos enfants. Par exemple, prévoyez un legs graduel portant sur votre résidence principale au profit de votre nouveau partenaire. Ce dernier pourra y vivre jusqu’à son décès et elle reviendra ensuite à vos enfants. Vous transmettez ainsi à vos propres enfants tout en protégeant votre compagnon/compagne.
À noter
Ce type de donations n’est pas tout à fait adapté si l’écart d’âge entre votre compagnon/votre compagne et vos enfants est faible. Le bien donné risque de ne leur profiter que peu de temps ou bien d’être directement transmis à vos petits-enfants.
Et les enfants de votre partenaire ?
Vous considérez les enfants de votre compagnon/compagne comme vos propres enfants et souhaitez les gratifier.
Toutefois, juridiquement, ils ne sont pas vos héritiers. Si vous prévoyez un testament, vous serez limité par la réserve héréditaire de vos propres enfants, et ils seront taxés à hauteur de 60 % sur la part reçue. Deux solutions existent pour transmettre à l’enfant de votre partenaire tout en bénéficiant de la fiscalité parent-enfant (avec l’abattement de 100 000 €) :
- La donation-partage conjonctive. Par une donation-partage, vous donnez plusieurs biens et vous les partagez entre vos enfants. Cette donation est dite conjonctive lorsque vous et votre compagnon/compagne confondez vos biens pour les donner à vos enfants, communs et d’une autre union : on considère alors que l’enfant de votre compagnon/compagne reçoit les biens directement de son parent, et non directement de vous.
Point d’attention : cet acte est réservé aux couples mariés (sous un régime de communauté) ayant au moins 2 enfants communs. De plus, l’enfant de votre conjoint ne peut recevoir qu’une valeur égale à la part que son parent apporte à la masse de biens à donner. - L’adoption de l’enfant de votre partenaire. En adoptant cet enfant, il devient votre héritier. Il peut donc recevoir la même part d’héritage que vos autres enfants et dans les mêmes conditions fiscales.
En cas d’adoption simple, l’enfant adopté conserve également ses liens avec sa famille d’origine, il pourra hériter et bénéficier de la fiscalité applicable entre parents et enfants (ce qui n’est plus possible en cas d’adoption plénière).
À noter
Pour l’enfant de votre concubin ou de votre partenaire de pacs, seule l’adoption plénière (et non l’adoption simple) permet de bénéficier de la fiscalité entre parents et enfants. Toutefois, l’adoption plénière n’est que rarement possible (l’autre parent devant être décédé ou s’être vu retirer l’autorité parentale).
L’assurance-vie, l’instrument idéal pour organiser la transmission de votre patrimoine
La clause bénéficiaire de votre contrat vous permet d’organiser la répartition des capitaux décès entre votre compagnon/compagne, ses enfants et vos propres enfants. Tous bénéficieront ainsi de la fiscalité avantageuse de l’assurance-vie quel que soit le lien de parenté.
Toutefois, les clauses standards désignant “le conjoint, à défaut les enfants nés ou à naître, à défaut les héritiers” ne sont pas forcément conformes à votre volonté : seul le conjoint (et non pas le partenaire de pacs ni le concubin) percevra les fonds (les enfants ne recevraient les capitaux qu’en cas de prédécès du conjoint).
Pour éviter cela, rédigez une clause bénéficiaire particulière. Vous pourrez ainsi l’adapter à votre situation familiale en désignant précisément qui seront vos bénéficiaires, dans quelles proportions ainsi que les bénéficiaires par défaut. Pensez aussi à actualiser les clauses bénéficiaires existantes qui ne répondraient plus à vos souhaits si elles désignaient votre ancien compagnon ou votre ancienne compagne par exemple.
À noter
Le montant transmis grâce à l’assurance vie à des personnes autres que vos héritiers ne doit pas être manifestement exagéré par rapport à votre situation patrimoniale.
Vous pouvez également mettre en place le démembrement de votre clause bénéficiaire en attribuant l’usufruit des capitaux à votre compagnon/compagne et la nue-propriété à vos enfants. Vous protégez ainsi votre partenaire qui pourra utiliser librement les capitaux, tout en transmettant à vos enfants. Ceux-ci ont en effet le droit de récupérer un bien de même valeur dans la succession de votre compagnon/compagne. Une convention de quasi-usufruit rédigée par un notaire est conseillée afin d’encadrer cette situation. Cette solution suppose également une bonne entente entre votre compagnon/votre compagne et les enfants.
En conclusion : si de multiples solutions existent, elles ne sont pas forcément adaptées à toutes les situations familiales ni à tous les souhaits. Rapprochez-vous de votre conseiller afin d’identifier et de mettre en place celles qui vous conviennent le mieux. Il saura, le cas échéant, vous renvoyer vers l’interlocuteur le plus adapté (notaire…).